#Gabon: Tous les Gabonais sont mauvais, sauf les Bongo (Lettre du Vendredi No 1)

La Lettre du Vendredi, No 1, 2 Mars 2012

Tous les Gabonais sont mauvais sauf les BONGO

La décision prise par Ali Bongo Ondimba de retirer le poste de Premier ministre aux ressortissants fang de la province de l’Estuaire pour le confier à un fang originaire de la province du Woleu-Ntem, même si elle brise un tabou de la vie politique gabonaise et remet en cause un équilibre que le président Omar Bongo Ondimba a respecté tout au long de son magistère, n’est pas choquante en soi.

La Constitution de la République gabonaise donne en effet au chef de l’Etat le pouvoir de nommer le Premier ministre ainsi que celui de mettre fin à ses fonctions (art 15 alinéas 1er et 2e). Il lui est donc loisible de nommer qui bon lui semble pour diriger le gouvernement.

Essayons d’expliquer pourquoi ce changement

Le pouvoir pdg nous dit que le poste de Premier ministre est resté trop longtemps dans la province de l’Estuaire depuis l’avènement au pouvoir du président Omar Bongo Ondimba, où se sont succédés: MM Léon Mebiame  Mba (1975-1990), Casimir Oye Mba (1990-1994), Paulin Obame Nguema (1994-1999), Jean-François Ntoutoume Emane (1999-2006), Jean Eyeghe Ndong (2006-2009) et Paul Biyoghe Mba (2009-2012). Et que le nouveau principe veut que les postes soient désormais rotatifs.

Nous, qui observons la vie politique,  nous nous demandons ce que signifie trop longtemps, d’une part  et si cette rotation est appliquée pour tous les postes, pour toutes les Administrations et pour toutes les provinces,  d’autre part ?

En effet, nous constatons que ce principe ne s’applique que pour un seul poste, celui de Premier ministre ? alors que la vie politique et l’appareil administratif comportent de nombreuses  hautes fonctions.

Ainsi par exemple, ceux qui nous font croire qu’Ali Bongo est en rupture avec les méthodes de son père doivent expliquer aux Gabonais pourquoi le poste de président de la République est-il depuis 1967 la propriété d’une seule famille, la famille Bongo Ondimba ?

Qu’ils nous expliquent pourquoi il n’y a plus de rotation pour le poste de président de l’Assemblée nationale que Guy Nzouba Ndama élu par 2OO électeurs occupe , sans discontinuer, depuis plus de vingt ans  alors qu’il est accusé de détournements d’argent public dans l’affaire de l’extension du palais de l’Assemblée nationale?

Qu’ils nous expliquent pourquoi la Cour constitutionnelle est présidée par Mme Marie-Madeleine Mborantsouo depuis sa création ?

Qu’ils nous expliquent pourquoi le poste de ministre des Finances, à part quelques rares intermèdes, est la chasse gardée des cadres originaires du Haut Ogooué ?

Qu’ils nous expliquent pourquoi  la quasi-totalité des régies financières et   des entreprises publiques et parapubliques  sont aux mains des Altogovéens depuis si longtemps ?

Pourquoi Ali Bongo ne touche t-il pas ces gens là ? Pourquoi ?

Nous nous rendons compte qu’ils nous trompent comme on vient de le démontrer. L’on peut donc affirmer que, derrière le discours officiel, se cachent  des motivations plus sournoises. Ces motivations sont au nombre de trois.

1er- Tenter de semer la division au sein du peuple fang en créant une césure artificielle entre les fang de la province de l’Estuaire et leurs frères de la province du Woleu-Ntem. Si Ali Bongo Ondimba connaissait, un tant soi peu, la sociologie gabonaise et s’il connaissait l’histoire du peuple fang, il aurait compris qu’il ne saurait y avoir de division entre les fang de l’Estuaire et ceux du Woleu-Ntem, dans la mesure où le foyer originel des fang du Gabon est précisément le Woleu-Ntem.

2e- espérer affaiblir  l’influence d’André Mba Obame dans sa province natale en mettant en exergue son frère Raymond Ndong Sima. Là encore, Ali Bongo Ondimba se trompe lourdement. André Mba Obame ne tire pas sa popularité et sa légitimité de sa seule appartenance à la province du nord, mais de ce qu’il est le vrai vainqueur de la dernière élection présidentielle. La sympathie qu’il suscite auprès des Gabonais de toutes les provinces vient de ce qu’on lui a volé sa victoire. Ce n’est donc pas en offrant un maigre lot de consolation à la province du Woleu-Ntem à travers la promotion d’un cadre, aussi brillant soit-il de cette province, que les woleu-ntemois vont, comme par un coup de baguette magique, adorer Ali Bongo Ondimba.

3e- flatter la fierté des fang du Woleu- Ntem. Là aussi, Ali Bongo Ondimba et ceux qui le conseillent se trompent. Les Gabonais connaissent le poids réel du Premier ministre sous le régime des Bongo dans le processus décisionnel. Ce n’est donc pas la venue de Raymond Ndong Sima à cette fonction, plus virtuelle que réelle, qui changera la nature d’un régime foncièrement tribaliste et corrompu jusqu’à la mœlle. A moins de prétendre que tous ses prédécesseurs étaient de notables incompétents, ce qui resterait à démontrer.

Comme tous ceux qui l’ont précédé, Raymond Ndong Sima rencontrera les mêmes difficultés et les mêmes entraves dans l’exercice  de ses prérogatives. Il se rendra compte bien vite qu’il n’est pas le vrai premier ministre car les vrais PM  sont Akrombessi, Joséphine BONGO et Marie Mado.  Pas plus que les fang de l’Estuaire n’ont tiré le moindre bénéfice de la présence des leurs à la primature, ceux du Woleu- Ntem ne tarderont pas à déchanter, car chez les Bongo Ondimba, le pouvoir est avant tout une affaire de famille. Rien que pour eux. Toujours pour eux.

Alors comme Léon, Casimir, Paulin, Jean-François, Jean, et Paul, Raymond sera à son tour jeté à la vindicte populaire, accusé de toutes les dérives et de tous les échecs d’un régime dont la seule ambition est la préservation du pouvoir au profit d’une famille et qui ne tire aujourd’hui son existence que de la bénédiction de Nicolas Sarkozy.

Aujourd’hui c’est le problème fang de l’Estuaire,  demain  ce sera un autre qui subira. Tous les gabonais sont mauvais sauf les membres de la famille Bongo. Tout le monde doit bouger sauf la famille Bongo !!!

A vendredi prochain.