#GABON-CONFÉRENCE NATIONALE SOUVERAINE: QUE PEUVENT NOUS APPRENDRE LES EXPÉRIENCES DE “CONFÉRENCES DE CITOYENS”

CONFÉRENCE NATIONALE SOUVERAINE: QUE PEUVENT NOUS APPRENDRE LES EXPÉRIENCES DE “CONFÉRENCES DE CITOYENS”?

(Nous continuons notre série de discussions entourant l’organisation prochaine de la Conférence nationale souveraine au Gabon. Nous abordons différents sujets d’intérêts pour un tel événement)

Qu’est-ce qu’une Conférence de citoyens?

Une conférence de citoyens (parfois appelée jury citoyen), c’est une assemblée temporaire désignée par tirage au sort ou choisie par une autre méthode aléatoire (démarchage dans la rue, etc.) pour aider à la prise de décisions politiques. Le but est de renforcer la participation citoyenne dans les processus politiques et/ou d’éclairer la prise de décision dans des situations complexes, en consultant un échantillon de la population.

Historiquement, les jurys citoyens s’inspirent du modèle des jurés d’Assises, d’où le nom de “jury” qui leur  est souvent donné, en particulier dans les pays anglo-saxons. Leur objectif est cependant de faire des propositions plutôt que de juger les décisions déjà prises.

Les conférences de citoyens sont utilisées à titre expérimental dans de nombreux pays depuis les années 2000. Ils ont un cadre plus officiel dans certains pays comme l’Allemagne (notamment à Berlin), le Danemark ou l’Espagne.

Les conférences de citoyens favorisent la mise en place des procédures de participation démocratique propres à favoriser et à enrichir le débat public et à instaurer une relation de confiance et d’écoute entre les citoyens et les pouvoirs publics.

Selon différentes recherches faites sur le modèle de “conférences de citoyens”, notamment par la Fondation Sciences Citoyennes, celles-ci sont généralement constituées de sept procédures permettant leur bon déroulement, tant dans la forme (le cadre) que dans le fond (le contenu) :

1. Un comité de pilotage réunissant des experts dans le domaine scientifique dont traite la conférence et des spécialistes de la procédure de conference de citoyens. Il détermine la formation à suivre ainsi que les formateurs.

2. Un groupe de citoyens ordinaires réunis de manière aléatoire, mais en assurant une grande diversité (sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle, région d’origine, sensibilité politique, etc.).

3. Un facilitateur professionnel (animateur maîtrisant la dynamique de groupe ou un psychosociologue).

4. Un week-end minimum réservé à la formation et l’information la plus objective possible, suivi d’un week-end de formation aux enjeux, réalisé de manière contradictoire.

5. Un week-end « débat public », organisé pour répondre aux questions clés énoncées par les citoyens à l’issue de leur formation, dans lequel interviennent des experts et des « porteurs d’enjeux » pouvant être choisis par le groupe à cet effet.

6. Des recommandations élaborées par les citoyens à l’issue du week-end « débat public ».

7. Une conférence de presse pour donner lecture des recommandations de citoyens et/ou leur remise aux politiques.

Ces procédures, fil conducteur éclairant, ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Elles peuvent, d’une part, être réajustées à l’objet qui concerne les organisateurs d’une conference de citoyens et d’autre part, être confrontées à d’autres regards et points de vue.

Rappelons ici que les conférences de citoyens sont nées dans un contexte de prise de décisions sur des sujets scientifiques particuliers et complexes, notamment en médecine. Dans le cadre d’une Conférence nationale souveraine comme celle qui est envisagée au Gabon, il est important de bien ajuster les procédures d’une Conférence de citoyens aux objets plutôt larges qui peuvent y être abordés.

Quelques exemples de conférence citoyenne

Conférences de consensus : un débat entre profanes et experts

Au Danemark d’où le modèle a été initié, une conférence de consensus est une enquête publique de 4 jours réunissant un groupe de 10 à 16 citoyens chargés d’évaluer un sujet socialement sensible dans le domaine de la science et de la technologie. A la suite d’une délibération extensive, ces profanes posent leurs questions à un panel d’experts (parmi lesquels des représentants de  groupes d’intérêts), évaluent leurs réponses, puis délibèrent entre eux. Le résultat de cette délibération est rendu public à la fin de la conférence sous la forme d’un rapport écrit, qui est ensuite adressé à des parlementaires, des scientifiques, des groupes d’intérêts et des membres du public.

Il s’agit d’un mécanisme de « facilitation de », et non de « substitut à » l’évaluation des technologies et la prise de décision par les institutions représentatives. Cette participation est d’autant plus efficace qu’elle s’appuie sur une société civile forte et structurée.

Publiforum : une manière d’évaluer avec les citoyens

En Suisse, le Publiforum (par exemple : “Electricité  et Société” en 1998, “Génie génétique  et alimentation” en  1999) poursuit deux objectifs : d’une  part, il met en contact les points de vue qui s’expriment au sein de la société et du public avec ceux qui caractérisent les milieux de la recherche, politique et économique afin d’encourager une compréhension mutuelle. D’autre part, les citoyens et citoyennes prenant part à  l’exercice reçoivent la  possibilité de s’exprimer sur la problématique soumise à discussion et d’en tirer des recommandations.

Le modèle NIP (Noyaux d’Intervention Participative)

Dans le NIP, des citoyens choisis au hasard travaillent pendant quelques jours en groupes d’environ 25 personnes, assistés par des modérateurs, des techniciens et des experts sur le thème en question. Ils développent et présentent leurs solutions au problème posé. Les participants sont libérés de leurs tâches quotidiennes, et perçoivent une rémunération.

Le modèle NIP offre une solution consensuelle à un problème concret. Il permet d’ouvrir la voie à une culture participative. Instrument de consensus et de dialogue, il favorise la communication entre les participants et contribue à éviter les conflits. Les décisions qui sont prises ne sont pas influencées par des intérêts particuliers, ce qui apporte à l’administrateur ou au gestionnaire un niveau supérieur de légitimité pour mener à bien un projet d’intérêt général.

Le NIP montre la capacité et le niveau de créativité des participants dans des situations où il faut comprendre, analyser, et résoudre les problèmes posés; il donne la possibilité aux techniciens et administrateurs de se rapprocher du citoyen et de son contexte de référence réel.

La méthode du panel des citoyens

Le panel de citoyens est un groupe de gens choisis selon une procédure aléatoire et libérés (avec une  rémunération) de leurs activités quotidiennes pour une période limitée, afin d’élaborer des solutions aux problèmes, avec l’aide de “médiateurs de processus”. Dans cette méthode, les citoyens agissent comme des évaluateurs ou des planificateurs non professionnels. Le panel de citoyens vise à faire émerger des propositions consensuelles.

Le sondage d’opinion délibératif (SOD)

Le SOD consiste à réunir un échantillon sélectionné au hasard parmi l’électorat national pendant quelques jours, pour le soumettre à un processus de discussion de certaines questions politiques.

Les forums de discussion

Les forums de discussion sont des instruments de participation permettant à des citoyens volontaires de prendre part à des discussions sur des enjeux politiques. Ils ne visent pas à influencer directement les décisions politiques, mais à encourager le dialogue et la délibérationentre citoyens. Aux États-Unis, plusieurs centaines d’organisations civiques et éducatives se sont fédérées pour débattre ensemble et simultanément des mêmes thèmes ayant rapport à  la  vie publique  du  pays (les National Issues Forums).

CLG